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dimanche 1 septembre 2013

...sans assurance ? timide ? parano ?...

C'est souvent en verbalisant les choses qu'on en prend réellement conscience. Comme si le fait de s'entendre mettre en mots un ressenti pas toujours très clairement défini servait, dans une certaine mesure, d'électrochoc. Tu dis, tu avoues, et quelques secondes après, tu réalises : "ouch, il y a quand même tout ça en moi...!". Après, il faut gérer les conséquences de la confession. D'un côté, mesurer son impact sur la personne qui en a été le réceptacle, de l'autre, évaluer les répercussions qu'elle a eu sur ta propre opinion de toi-même. Double travail, double peine même si tu n'étais pas spécialement préparé à ça.

Cette petite mésaventure, plutôt inattendue, m'est arrivée en fin de semaine, à l'occasion d'un déjeuner avec une copine. Le contexte n'était pas forcément propice à la confidence : nous avions moins d'une heure pour déjeuner, c'était au beau milieu d'une journée de travail, et, bien que plutôt complices, nous ne sommes pas si proches que ça. Et pourtant, sans trop les voir arriver, les mots me sont venus plutôt naturellement. Et pourtant, sans ressentir le besoin urgent de m'exprimer sur ce sujet, leur flot ininterrompu a clairement montré qu'ils étaient impatients de sortir de moi. Drôle de surprise envoyée par la vie...

Voilà pour le contexte.

Le fond, maintenant. Ce qui a été dit ce jour-là, je le savais plus ou moins, vaguement. Ça dormait quelque part à l'intérieur de moi. Je l'ai néanmoins exprimé avec beaucoup de clarté et étayé à l'aide de plusieurs exemples, voilà qui accélère la prise de conscience. 

Nous en sommes arrivées, je ne saurais te dire comment, à parler confiance en soi, assurance, estime de soi. Je réalise depuis que mes lacunes dans ce domaine sont bien plus importantes que ce que je pensais jusqu'à lors. Pour ne citer que quelques exemples :

  • j'ai peur quand je dois m'exprimer en public, en groupe ; je sens mes joues rosir, la sueur perle à mon front, mon rythme cardiaque s'emballe. Bon, je suis loin d'être la seule dans ce cas, mais je le vis comme un réel handicap, étant amenée parfois à m'exprimer au cours de réunions où de nombreuses personnes sont présentes.
  • je dois prendre sur moi pour passer un simple coup de fil, que ce soit pour prendre un rendez-vous chez le médecin ou, dans le domaine professionnel, pour demander un banal complément d'information au cours de la gestion d'un dossier. Là encore, cela peut être très handicapant au quotidien même si j'arrive le plus souvent à ne pas me laisser envahir par mes émotions, ce qui évite la paralysie complète.
  • pire encore - et c'est surtout là que la révélation m'a quelque peu troublée - je suis toujours très mal à l'aise quand il s'agit d'inviter l'une de mes collègues à aller boire un café ou fumer une cigarette avec moi. Toujours cette peur de déranger, toujours cette impression qu'elle n'ose pas me dire non pour ne pas me vexer mais qu'elle préfèrerait prendre ses pauses avec une autre que moi. Là ça craint sévère, non ?

J'aurais pu me sentir très mal vis-à-vis de ma copine au moment de ces confidences un peu surréalistes. Avoir peur que cela l'amuse, qu'elle se moque un peu. Mais, preuve s'il en fallait une que je sais bien m'entourer, elle a été une oreille attentive, une interlocutrice de choix. Aucune moquerie, aucun sourire en coin, aucune prise en pitié. Néanmoins, beaucoup de surprise. Et par ricochet, de la surprise partagée. Je suis toujours extrêmement étonnée de la réaction des gens quand je leur parle de ma timidité et de mon manque d'assurance. Dans 99% des cas, les premiers mots qui sortent de leurs bouches sont des variantes de "Toi ? En manque de confiance ? TIMIDE ? Arrête, je ne te crois pas, ce n'est pas possible, ça ne se voit pas !". Et pourtant... Et pourtant, ai-je alors envie de crier, si seulement tu sentais le nœud qui se tord dans mon ventre quand je suis dans la prise de contact, a fortiori avec quelqu'un que je connais peu, si seulement tu écoutais le rythme de mon cœur quand je parle devant plus de deux ou trois personnes, si seulement tu voyais les galipettes de mes intestins quand je suis hors de la zone confortable de mon tout petit groupe d'intimes, si seulement tu touchais les larmes qui me montent si vite, tellement vite, au bord des yeux dès lors que j'ai l'impression d'être de trop, mise à part, évincée, rejetée même --- impression qui naît souvent, d'ailleurs, d'une forte propension naturelle à la paranoïa, cette garce qui s'insinue dans mon cerveau sans que je ne puisse lutter...

Parfois c'est difficile d'être aussi durement victime de toutes ces émotions violentes, de tous ces signaux de détresse envoyés par un corps qui réagit au quart de tour à l'inconfort d'une situation non habituelle. Et le plus difficile je te l'avoue, c'est que tu ne vois pas tout ça, que tu me crois forte, pleine d'assurance, en confiance en toutes circonstances. Parfois, c'est sécurisant d'avoir cette carapace, ce masque qui fait croire au monde extérieur que je suis dans la maîtrise. Mais parfois, seulement. Parce que le plus souvent, c'est au contraire terriblement frustrant de donner cette image là. C'est à cause d'elle que tu ne ressens jamais le besoin de me ménager, de me rassurer. C'est à cause d'elle que du coup, fatalement, je m'embourbe, souvent seule, dans un mal-être que personne ne détecte...

______
PS : je viens de relire. Merde, c'est pas très gai quoi, surtout pour un dimanche si beau, si ensoleillé. Je vais nuancer un peu quand même, parce que je ne voudrais pas que tu crois que je suis au bord du suicide... Tout ça, ça fait partie de moi, c'est comme ça, j'ai l'habitude, je le gère, je l'assume. Rassure-toi, quand j'en parle comme ça, ça paraît très lourd à porter, mais ça va hein, j'arrive tout de même à vivre en société et je ne suis pas non plus paralysée en continu. Et j'ai la chance d'être extrêmement bien entourée et d'être du coup plus souvent en zone de confort qu'en difficulté. 
"Je vais bien, ne t'en fais pas" comme on dit.
Et bon dimanche quand même.

© Isa - septembre 2013

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