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mardi 29 octobre 2013

...à géométrie variable...

Le jour et la nuit, l'automne et le printemps.
Des phases qui s'opposent mais se succèdent inlassablement, dans une régularité imparable, sans qu'on ne puisse rien y faire. Qui se relaient et s'imposent à nous. Jour. Nuit. Et encore. Et encore.

Finalement, lorsque mes humeurs vacillent sans que je ne puisse les contrôler, quand mes phases de mélancolie donnent naissance à mes phases d'euphorie qui elles-même redeviennent mélancoliques, je devrais peut-être me dire que leur cercle infini se cale en fait sur la Nature et son incessant jour... nuit... jour... nuit. Ne devrait-on tous pas être en quête de ce perpétuel mouvement, à l'image des saisons et des cycles lunaires ?

Je n'arrive pourtant pas à m'en réjouir. 

Parce que, vois-tu, ça me déroute. De ne pas savoir, à l'aube de ma journée, dans quel état je vais la traverser. De me demander si aujourd'hui je serai suffisamment forte pour sourire, pour rire, pour partager. Ou s'il pleuvra dans mes pensées, me retirant le goût de tout, l'amour de tout.

Parce que, vois-tu, ça me fait peur. Cette absence de constance, de stabilité dans mon univers émotionnel. Ce doute qui m'assaille quant à ce dont demain sera fait.

Parce que, vois-tu, ça me limite. Une palette en noir et blanc, sans nuance, sans fondu, sans dégradé. De l'extrême positivisme qui me donne les ailes pour voler haut, très haut. Puis un fatalisme redoutable qui me coupe les jambes et me force à ramper. Je voudrais tellement marcher, tout simplement marcher.

Parce que, vois-tu, ça fait de moi une malade. Que le corps médical aimerait prendre en charge, analyser, médicamenter. Sur laquelle un psychiatre plein d'empathie a un jour posé le terme technique qui explique bien des comportements, bien des névroses, bien des psychoses, quand il a osé parler de bipolarité.

Parce que, vois-tu, je me suis enfermée dans ce schéma. Comment exister autrement que dans les extrêmes, que dans les pics et les creux, les hauts et les bas ? Quand ma tête fatiguée réclame qu'une âme charitable, bienveillante, trace un trait bien droit sur lequel je pourrais avancer pour ne plus vaciller...

Parce que, vois-tu, ça me différencie de toi, à qui je voudrais tant ressembler. J'envie tes humeurs constantes, tes joies qui ne te rendent pas euphorique, tes peines qui ne te paralysent que très peu. J'envie ton trait bien droit, si droit. J'envie ta surprise quand tu me vois exulter, j'y suis moi-même bien trop habituée... J'envie tes paroles pleines de bon sens quand tu me dis que je dois me calmer, ne pas réagir de façon si épidermique. Il y a bien longtemps que je ne sais plus où se cache ma sérénité. Ni s'il m'en reste quelque part, d'ailleurs.

Parce que, vois-tu, je suis fatiguée. Emportée par des tourbillons d'émotions trop fortes, trop violentes, trop impulsives pour être canalisées et vécues dans la maîtrise. Lessivée par mes efforts constants pour te cacher cette oscillation incessante. 

Te dire tout ça, c'est déjà faire un pas vers du mieux, pourtant. C'est puiser dans mon euphorie la force de pianoter sur le clavier de mon PC, c'est voler à ma mélancolie l'inspiration qu'elle seule sait si bien me procurer. C'est peut-être, d'une certaine façon, les mélanger toutes deux, les faire se rejoindre en un point qui, quand je le prolonge, se transforme en un trait droit, tout droit. Sur lequel je m'empresse d'avancer autant que je le peux. Parce que je sais déjà que bientôt, là, tout à l'heure, tout de suite, et voilà, c'est déjà le cas... il reprend des airs de spirale qui me déconcertent déjà.

© Isa - octobre 2013

6 commentaires:

  1. Je suis très émue par ce témoignage. Ca doit être très difficile au quotidien, très fatiguant. J'ai pensé que tu étais déprimée quand tu parlais de mélancolie hier sur Twitter. J'ai vraiment senti que tu n'étais pas bien. Tu étais donc dans ta phase noire. Je te souhaite vraiment de trouver le juste équilibre. Et puis si t'as besoin de parler, je suis là. Maintenant tu connais l'adresse, on déjeune ensemble quand tu veux. ;)

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    1. Tu sais, on s'habitue. Parfois c'est très très sombre alors on ressent le besoin de l'extérioriser comme quand j'ai écrit ce billet. Mais la plupart du temps j'arrive à vivre avec sans que cela ne fasse trop de bruit autour de moi.
      Merci pour ce témoignage de sympathie <3

      *Commentaire initialement posté le 1/11/13 à 11h*

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  2. L'hiver là, sur le seuil de la porte, est propice à la mélancolie...barre-lui la route, laisse entrer la lumière et la chaleur de ceux qui t'apprécient telle que tu es. Ils sont plutôt nombreux je crois.

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    1. Il y en a quelques-uns oui, mais ils sont souvent déroutés par mes mouvements d'humeur. C'est aussi pour eux, qui doivent supporter, que j'aimerais trouver mon trait tout droit.

      *Commentaire initialement posté le 1/11/13 à 11h*

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  3. émue par ton texte parce que je ressens parfois ce type d'émotion et de pics émotionnels dans un sens ou dans l'autre. je sais quelle est la cause mais pas toujours. Heureuse du hasard qui nous a fait nous rencontrer sur la planète des oiseaux bleus :)

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    1. Bienvenue par ici et merci pour ton petit mot, bien que je ne me réjouisse pas du fond : si tu vis parfois les mêmes pics émotionnels que moi, je te plains... :-/
      Au plaisir de te croiser de nouveau.

      *Commentaire initialement posté le 3/11/13 à 9h*

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