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vendredi 31 janvier 2014

...au matin du vendredi...

Il arrive, il est déjà là, on court après toute la semaine et inévitablement il finit par se pointer. Parfois il prend le temps, parfois il débarque vite, mais, fatalement, une fois par semaine, on y est.
Vendredi.

J’en vois certains qui en ont carrément rien à foutre, ils échappent aux traditionnels jours de repos du week-end et, pour eux, le vendredi n’est parfois qu’un début ou un milieu de semaine comme le sont nos lundis ou nos mercredis.

Mais j’en vois surtout beaucoup qui n’attendent que lui, parce qu’il est synonyme de libération, qu’il est le terreau fertile de projets en tous genres pour les deux jours à venir, qu’il sonne le glas des réveils bien trop tôt, des embouteillages ou des RER bondés, qu’il est à lui seul la promesse d’au moins deux lendemains qui chanteront un peu plus que tous les autres.

Certains l’attendent aussi parce qu’il accueille en lui les compliments les plus beaux et/ou les plus hypocrites que la Terre ait jamais portés et, si tu ne comprends pas ce qui précède, file t’inscrire sur Twitter et tu pigeras dès vendredi prochain.

Foutu rythme imposé où on marche tous ensemble à la même vitesse, hein. Foutues répliques hebdomadaires où certains vont s’amuser à balancer des « oh oui ça va, on est vendredi », d’autres des « tu fais quoi ce week-end, toi ? ». Foutus sourires sur les visages qui s’agrandissent à mesure que le temps passe et qu’on se rapproche de l’heure où la cloche va sonner, où le portail va s’ouvrir, où on va tous s’échapper en courant pendant que Maîtresse nous enverra des baisers avec ses mains qui s’envolent et sa bouche qui nous crie « bon week-end, à lundi ! ». Foutu réveil qui sonne fort, trop, qu’on tabasse en hurlant « ta gueule » juste avant de se redresser, de comprendre qu’on l’a entendu sonner pour la dernière fois de la semaine et que, du coup, finalement, il est pas si méchant puisque de temps en temps il nous fout la paix. Foutues inepties twittesques, à base d’invitations à suivre enrobées de jolis mots qu’on veut drôles ou touchants ou percutants. Foutues mines fatiguées d’avoir couru après le temps les jours d’avant, impatientes de faire s’arrêter l’horloge sur l’heure des loisirs, du repos, de la détente, du « quality time » comme on dit quand on parle Anglais.

Foutues obligations partagées de traditions hebdomadaires qu’on est tous plus ou moins censés apprécier.

Et puis moi tu me connais, jamais à faire comme tout le monde, toujours voulant me démarquer, me la raconter, me mettre en avant. Tu connais ma difficulté à verser dans l’humilité, à accepter d’être un mouton comme tous les autres. Tu connais mon penchant naturel à ouvrir ma grande gueule pour dire que je ne suis pas d’accord, que je ne suis pas comme les autres, que les traditions je les emmerde et que les obligations je les conchie.

Alors du coup moi tes vendredis je les prends à contre-pied, je me réveille en regrettant que ce soit déjà la dernière fois qu’il faut que je me prépare à aller bosser, je tire la tronche à mes collègues parce que merde ils vont me manquer, je fais du rab au boulot pour ne pas rentrer trop tôt chez moi et prolonger le plaisir de la vie sociale, j’arrête l’horloge sur l’heure du travail, de l’abnégation, de l’effort, du « working time » comme on dit quand on parle Anglais.

Et puis surtout sur Twitter je la boucle bien bien fort pour éviter de rentrer dans le game de la branlette à plusieurs, de la partouze sans orgasme, du plaisir qu’on offre en attendant bien calé confortablement que celui à qui on l’a offert nous renvoie gentiment l’ascenseur. J’ai goûté hein, j’ai kiffé même, je m’en suis délectée pour être honnête. Mais je ne mange plus de ce pain là. J’ai plus jamais assez faim pour ça et au pire je préfère de toute façon me bouffer les doigts.

Vendredi, 8h15, vidange du jour effectuée.
C’est reparti pour le remplissage, quand tu veux, pas besoin de me chercher, je suis juste là.

© Isa – janvier 2014

mercredi 29 janvier 2014

...une éponge...

T’as épuisé tous les sujets. Ou presque.
Finalement, on fait vite le tour d’une existence de 28 ans. Aussi lourd que le vécu soit à porter.
Tu te pensais peut-être capable de tenir tout un blog comme ça, à bout de bras et avec juste toi dedans, mais tu vois bien que toi-même tu ne suffis plus. Que même les fidèles se lassent. Que tu n’arrives pas à te réinventer.

Pourtant l’envie est là, elle est là chaque semaine, chaque jour, et, parfois, elle te tenaille même à chaque minute. Ces minutes qui défilent sur fond de conscience extrême et lucide que l’apaisement ne viendra que par l’alignement des mots. Comme toujours.

C’est un peu comme un appel de la page blanche, le but est de la noircir à tout prix, peu importe le thème, peu importe le style, peu importe le destinataire. Ecrire, te vider, te purger, sortir quelque chose pour ne pas que la cocotte minute explose. Dépressuriser, aérer, libérer, faire de la place pour tout ce qu’il y a à venir.

Parce que fatalement autre chose viendra. Toi, l’éponge à émotions, le dépotoir à mal-être, tu chopes tout ce qu’ils ressentent comme on attrape la crève même sans être en plein courant d’air. Sans que ça prévienne, sans que le contexte ne te fasse te méfier, inévitablement, ils disent, tu ressens. Parfois ils taisent mais tu ressens quand même.

Ils croient peut-être que tu vis cette empathie comme une fierté, que tu la portes en bandoulière pour l’exhiber. T’as souvent envie de leur laisser croire que c’est le cas, après tout ça te donne le beau rôle, celui de la nana qui s’inquiète constamment pour eux et qui cherchera toujours à aider d’une façon ou d’une autre. Et pourtant… Pourtant, tout à fait égoïstement, t’aimerais quand même vachement ne pas être comme ça. Que leurs bobos te passent au-dessus de la tête, que leurs douleurs guérissent sans que tu aies à les constater, que leurs manques soient comblés sans que jamais tu n’aies eu à les remplir, toi. T’aimerais t’en foutre totalement, t’en détacher complètement, tracer ta route comme on dit hein, avancer, appuyer sur l’accélérateur, tant et si bien que t’irais trop vite pour ne pas voir les oiseaux blessés sur la route et les auto-stoppeurs de l’amour sur le bas-côté. T’aimerais disparaître à la moindre confidence de la moindre douleur, au moindre aveu de la moindre faiblesse. Ne pas avoir à rassurer, à sécher les larmes, ne plus jamais jouer aucun rôle dans leurs tragédies.

Et puis surtout ne plus avoir mal. Parce qu’il est surtout là le cœur du problème. Si seulement tu n’avais qu’à les réconforter, qu’à les écouter, qu’à les conseiller… Tu pourrais gérer, ça. C’est ce que tous les amis font. Mais toi tu ne leur es presque d’aucune utilité tant tu es bouffée par toutes ces choses qui ne t’appartiennent pourtant pas. Ce ne sont pas tes combats, ce ne sont pas tes manques à toi. C’est tellement contre-productif de te les approprier, tellement inutile, tellement con aussi d’ailleurs. Mais rien n’y fait. Tu prends, tu éponges, tu absorbes, tu partages. Tu ne montres pas les larmes pour ne pas inquiéter davantage mais tu profites de chaque occasion pour les cracher discrètement. Tu parles d’un soutien… Tu parles d’une amie, hein…

Donc aujourd’hui y a encore tout ça qui va se passer. Comme tous les jours. Pour pouvoir emmagasiner, accumuler de nouveau, il te faut donc te vider de toutes les histoires d’hier et, pour l’instant, tu ne sais pas comment faire autrement qu’en écrivant. Alors même si t’as rien à dire, tu reviens ici, tu lâches tes trois phrases, tu alignes tes quatre mots, et roule ma poule.

Hé toi qui lis là, vas-y c’est bon tu peux revenir maintenant. Je peux de nouveau bouffer ton mal, j’ai fait de la place.

© Isa – janvier 2014

dimanche 26 janvier 2014

...à bout ?...

J'en peux plus.

De vous aimer si fort, de ne vivre que par vous.

D'être sensible à vos douleurs, à vos doutes, à vos peines.

D'avoir mal quand vous avez mal, d'avoir peur quand vous avez peur.

De trembler d'un effroi terrible quand j'ai l'impression que vous m'échappez, encore.

De ne pas savoir vous retenir. De ne pas savoir vous rassurer.

D'être loin, à des centaines ou des milliers de bornes, de ne pas pouvoir vous toucher.

De ne pas plonger mes yeux dans les vôtres pour qu'ils se disent entre eux tout ce que nos bouches ne savent pas dire.

D'avoir cette douleur terrible dans le bas de mon ventre quand je vous sens envahis de choses si noires, si extrêmes, si viles. De ne pas savoir vous arracher le mal et le faire disparaître.

De ce sentiment d'inutilité profond. De cette incapacité à faire ce qui doit être fait.

De tomber en amour comme on chute de dix mètres : vite, si vite, et si douloureusement.

De vous laisser me décoller les pieds du sol comme si je ne pesais rien, comme si ma propre existence n'avait pas de poids.

D'avoir cette envie irrésistible de vous serrer si fort, tellement fort contre moi.

J'en peux plus de vous aimer.

Mais je vous aime.

Merde, quoi... Je t'aime.

© Isa – janvier 2014

...dans ma bulle...

Y a ce monde, là, qui n'appartient qu'à toi. Ton univers, ton cocon, ta maison.
Dedans, c'est décoré comme tu aimes, il y fait un peu froid parce que tu as toujours aimé frissonner, il y traîne une odeur de fruits rouges délicatement diffusée par les bougies parfumées.

Il n'y a personne d'autre que toi ici, c'est ton refuge, ton antre, ton terrier, tu ne le partages pas, tu ne le fais jamais visiter. Tu as fixé le tarif du billet d'entrée tellement haut que personne ne peut s'offrir une excursion en ce terrain si privé. Parfois, quelqu'un passe à côté et jette un œil par la fenêtre entrouverte, mais tu t'arranges toujours pour que l'essentiel reste indétectable de l'extérieur.

Alors les rares badauds doivent se contenter de deviner quelques notes de musique, la voix de P!nk parfois, le phrasé de Brel, les mots de Zazie, la guitare de Richie Sambora souvent. Ils voient de la lumière, beaucoup, toujours, l'ambiance tamisée n'a jamais eu tes faveurs, l'obscurité te renvoyant toujours à tes peurs de gamine. S'ils s'approchent assez près, ils se prennent en plein visage quelques volutes de la fumée de ta cigarette, alliée indispensable de la zénitude que doit te procurer l'endroit.

Ils n'en sauront jamais plus. Et c'est tellement mieux comme ça.

Parce qu'en vrai, dedans, il y a toutes ces choses que personne ne doit voir. Il y a, malgré l'apparente impression que chaque chose est à sa place, le foutoir innommable de tes pensées qui se croisent, se mélangent, s'engrainent, macèrent ensemble pour exploser en une multitude de petits bouts de toi que tu t'efforces ensuite de rassembler en un tout qui tiendra debout pour quand tu sortiras de la pièce et t'exposeras de nouveau à la face du monde. Il y a, malgré le rock et le rap et la pop que diffusent les haut-parleurs, le bruit assourdissant de tes sanglots, le blues bien plus noir que bleu, la mélancolie lascive des mélodies endeuillées par le mal-être, le mal à ton être, le mal à ton amour, le mal à tes impossibles. Il y a, malgré les tableaux qui te narguent en te montrant toutes ces îles dont tu es si loin, toute cette eau turquoise que tu imagines pure et revigorante, l'enfermement volontaire ou pas, subi ou choisi parfois, l'incapacité à voyager, ne serait-ce que par la pensée. Il y a, malgré la sensation de sécurité qui se dégage des murs, un sol glissant, inondé des larmes et du sang versés, triste rivière invisible qui charrie le désespoir et la peur et les doutes et les manques. Il y a, malgré l'accumulation de ces choses que tu aimes avoir à portée de main, ton ordinateur et ton téléphone et tous tes trucs, le vide intersidéral laissé par ton envie de quelque chose de bien plus grand, de bien plus envahissant.

Et pourtant, c'est chez toi ici, et tu n'en sors pas. Tu t'y réfugies au contraire le plus souvent possible. Parce que c'est là que tu caches la noirceur et la douleur. Et qu'il te faut les retrouver régulièrement pour pouvoir travailler avec elles à leur disparition. Tu ne peux faire ça que seule, que là, cachée du regard des autres, à l'écart de leur inquiétude, en dehors de leurs questions sans réponse.

Alors tu y viens, tu y restes, tu essaies d'effacer les larmes et les tâches et les cris et les pensées. Tu y travailles fort, tu briques, tu laves, tu nettoies, tu expies pour mieux tuer, tu expires le mal et tentes de renouveler l'air. C'est dur, c'est long, ça te demande des efforts surhumains, mais tu as en toi l'envie si forte de rendre cet endroit d'une pureté absolue que tu passeras chaque heure, chaque minute, chaque seconde de libre à y revenir encore.

Pour purifier.

Parce que mine de rien, vas-y avoue le au monde, t'as bien envie d'y faire un jour entrer tout ceux qui comptent. 

Dans quelques milliers d'efforts, après des millions de secondes passées à tout rendre pas seulement présentable mais vraiment propre, tu pourras le faire, tu pourras les convier, les inviter à s'y installer même. Accroche-toi donc à cette idée là.

© Isa – janvier 2014

PS pour toi, là : si tu ne me trouves nulle part ailleurs, dis-toi que tout va bien, parce que c'est ici que je suis. Je travaille à tout rendre joli pour le jour où tu viendras.

samedi 25 janvier 2014

...capable d'aligner plus de 3 lettres, parfois... (Part II)

Haha, bande de petits malins, vous avez kiffé le dernier billet, ça prouve bien que vous acquiescez tous, plus ou moins silencieusement, au fait que votre bien dévouée ne sache pas bien communiquer, hein.

Du coup ça me fait rebondir sur autre chose, qui te concerne tout aussi directement.

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Tu la connais la mode des #sub ?
Toi qui es sur Twitter, oui, évidemment.
Pour toi qui n'y es pas (je ne comprends toujours pas pourquoi et comment c'est possible d'ailleurs), sache qu'un "sub" est un tweet dans lequel tu ne mentionnes personne en particulier mais qui est pourtant destiné à quelqu'un. L'intérêt peut être multiple : faire passer un message aux yeux de tous, troubler ceux qui te suivent et ne savent pas à qui tu t'adresses, vérifier que la personne visée s'intéresse à ce que tu dis aussi. Parce que le risque est là : que cette personne ne voit jamais ton tweet (bah oui, elle n'est pas mentionnée donc pas notifiée !) parce qu'elle n'est pas connectée à ce moment là ou parce qu'un moment d'inattention le lui fait louper. Bon, si t'as un peu de chance, le destinataire s'intéresse aussi à toi et suit avec attention tout ce que tu écris, même en son absence, et tombera à un moment ou à un autre sur la chose.

Maintenant que les bases sont posées et que tout le monde pige de quoi qu'on cause, laisse moi te dire qu'en ce qui me concerne je surfe sur la vague du subtweet depuis toujours. Quand Zazie a écrit qu'il était plus facile "de dire à tous plutôt qu'à un", en fait, elle lisait dans mes pensées tu vois. 

Je balance des messages codés à peu près toutes les dix minutes, toujours en croisant fort fort mes petits doigts pour que la personne à qui ils s'adressent les verra.

Parfois, ça marche. Parfois, ça foire.

Et puis parfois... c'est le drame.

Le drame, c'est quand un(e) autre prend pour lui/elle ce que je destinais à une toute autre personne.
Deux possibilités : ou tu parviens à rétablir la vérité en trois minutes en disant tout simplement qu'il y a confusion, ou tu sens tellement chez l'autre l'envie d'être le vrai destinataire du message que tu es complètement incapable de lui dire que ce n'est pas le cas. Tu sens toute son attente, toute son envie, tout son espoir presque, et ça te paralyse, tu n'arrives pas à sortir du quiproquo et tu tentes de t'en sortir par une pirouette qui se terminera 9 fois sur 10 par une chute un peu douloureuse. Tu ne sais pas flotter (ça, ça date de ce billet), et tu ne sais pas bien pirouetter non plus. Dommage.

Voilà ma vie 2.0 : des sous-entendus qui se terminent en malentendus, des mots que j'envoie à tout le monde pour ne pas avouer qu'ils sont pour lui, et lui qui ne les voit pas et cet autre qui les voit, et moi qui suis dans un sacré pétrin. Vis ma vie de Twitta complètement dépassée par tout ça et pourtant bien incapable de s'arrêter.

"Mais pourquoi donc continue-t-elle à le faire ?", te demandes-tu probablement, ô toi public curieux de tout et surtout de l'inutile, ne te cache pas je te vois te poser la question à t'en péter les neurones de réfléchir à une réponse plausible.

Eh bien, cesse donc de te torturer et lis ce qui suit, la réponse est quelque part dans les mots à venir que, volontairement, je vais lâcher sans chercher à les rendre jolis parce qu'être bruts leur permet d'être justes. Je suis une putain de trouillarde, de timide, de lâche. Je ne sais pas dire les choses. Je ne sais pas dire à Machine que je pense à elle, ni à Bidule qu'il me bouleverse, ni demander à Truc si lui aussi m'aime un peu. Je ne sais pas faire, mayrde. Jamais, never, Zaza, ça, elle sait pas. Parfois quand le vin aide la langue ou les doigts se délient un peu mais, la plupart du temps, je ne sais pas venir vers toi et te dire. Je n'y arrive pas. Déjà parce que putain tu me fais peur, tu ne réagis pas, tu surréagis ou sous-réagis, et dans les deux cas je m'en veux immédiatement d'avoir osé, et puis parce que je ne supporterai pas une réponse trop courte, trop brutale, trop directe, ou, pire, une absence de réponse tu vois.

Du coup, comme une faiblarde qui prendra jamais trop le risque de se mouiller, je continue à balancer mes petits trucs en TL sans dire pour qui pour quoi que c'est, et j'ai envie de te dire, démerde-toi avec ça. Si tu poses la question, j'essaierai d'être le plus honnête possible, que ça te concerne ou que ça ne te concerne pas. Parfois je mentirai (jamais si je dis "non" parce que, quand la bonne personne voit, j'assume hein, toujours) mais ne m'en veux pas, spour ton bien et le mien toussa toussa. Tu vois quoi.

Bon, c'était la minute "Isa on Twitter", c'est pas de la grande littérature hein, je sais, mais c'était pour continuer dans le délire "vas-y assieds-toi je vais t'expliquer comment je communique, tu seras peut-être un peu moins largué après".

Voilà voilà.

 © Isa – janvier 2014

...capable d'aligner plus de 3 lettres, parfois...

T'as jamais été une communicante. Ton truc à toi c'est plutôt la solitude, depuis toujours. Non pas que tu la recherches, tu la subis plutôt, mais tu ne sais pas vraiment comment faire autrement. Tu as toutes les difficultés du monde à exprimer, à dire à l'autre, tu butes sur les mots et tu crains toujours que tes messages ne soient pas interprétés justement. Alors tu préfères te taire. T'emmurer dans le silence et garder tout à l'intérieur.

Et puis un jour tout saute. Un trop plein de non-dits, d'émotions enfouies, un vécu que tu n'arrives plus à porter seule, des douleurs qui te sont insupportables. L'appel au secours est inévitable.

Tout change à ce moment là. Il te faut dire. Parler, crier, hurler, déchirer le silence de tes mots qui viennent en un flot qu'on ne peut plus arrêter, les laisser sortir sans les endiguer, ne plus faire barrage, tout lâcher, tout diffuser. 

Tu tombes dans l'extrême inverse, tu parles à outrance, tu saoules les gens de tes confidences sans prendre la peine de regarder si en face y a la capacité, l'envie, les épaules aussi, de porter le fardeau avec toi. 

Puis tu te calmes, parce que tu vois bien que tes épanchements en surnombre commencent à faire le vide autour de toi, que les autres n'ont rien demandé, que quand ils osent un "ça va ?" ce n'est pas forcément pour entendre une réponse argumentée sur le mode thèse/antithèse/synthèse mais juste un "oui" poli qui les rassurera même s'il est aussi convaincant qu'une promesse électorale.

T'essaies même de revenir aux temps anciens où tu la bouclais tout court, pour être sûre de ne pas être tentée de trop en dire, mais ça c'est plus vraiment possible, les vannes sont ouvertes et on a jeté la clé. 

Donc tu tentes le compromis, tu apprends à dire autrement, mieux, avec retenue, tu canalises un peu. Ou alors tu diffuses largement, en parlant à un "lectorat" qui n'est pas une personne unique, pour que justement personne ne soit seul à assumer le poids de la confidence recueillie. Pour que personne ne se sente vraiment concerné, visé, attaqué. Pour que personne ne s'empare du poids du truc pour le partager avec toi. Tous penseront que le voisin, autre lecteur, s'en occupera. Quand t'as d'la chance, y en a effectivement un qui joue ce rôle-là.

Mais du coup la conclusion de tout ça, c'est quand même que tes canaux de communication sont un peu tout bousillés hein. Tu essaies de t'adapter à la personne en face, à te brancher sur la même fréquence, à utiliser la même police, mais tu sens bien qu'il y a une couille dans le potager, que tu ne sais pas faire, que y a un truc qui coince quelque part. Ton adaptabilité est loin d'être parfaite, t'as envie de balancer des mots de toi plutôt que de calquer ta communication sur l'autre, mais tu te retiens pour ne pas brusquer, et naissent alors d'une part la frustration de ne pas avoir exprimé ce que tu avais tellement envie de dire et d'autre part l'incompréhension de l'interlocuteur qui sent bien que t'es pas vraiment à fond. Et ça merde, fatalement.

Pardon donc, à toi, à vous, avec qui je m'y prends mal. Pardon si je décide de tester autre chose, genre être moi, faire comme moi j'aurais fait, dire comme moi j'aurais dit, et que ça te convient pas. Pardon d'avance si je t'inspire l'idée de fuir, putain fais le mais bien alors, me laisse pas la possibilité de te retrouver hein, parce que si je te croise de nouveau je risquerais de t'enfermer quelque part pour être sûre de ne plus jamais te perdre. Ça me fait trop mal quand t'es trop loin.

 © Isa – janvier 2014

...en pleine MusicSession... [Honey I'm home]

 © Isa – janvier 2014

...inspirée en musique...




Et le mal
Que tu te donnes
A me faire tout ce bien
Animal
Quand tu tâtonnes
Pour me plaire de tes mains
Et tout ce mal
Je me questionne
En verrons-nous la fin ?

Et tout le mal
Que tu arraches
Comme du verre à ma peau
Animale
Quand je me cache
Quand je courbe le dos
Et tout ce mal
Qui se détache
Quand tu trouves les mots

Et tout l’amour
Que tu me fais
En me touchant des yeux
Troubadour
Quand tu promets
Quand tu chantes nous deux
Et cet amour
Si imparfait
On n'a pas trouvé mieux

Et tout l’amour
Que je te vole
Comme du temps à la vie
Troubadour
Quand je m’envole
Quand je chante nos nuits
Et cet amour
On s’y encolle
On en paiera le prix

 © Isa – janvier 2014

vendredi 24 janvier 2014

...victime de la nuit...

Les nuits blanches, c’est pas vraiment ton truc.
Surtout parce que tu as passé l’âge d’être en capacité physique de les anticiper, de les vivre et de les assumer. Aussi un peu parce qu’avec tout ce qui te trotte dans la tête il arrive forcément un moment où tu tombes d’épuisement, de fatigue psychique, tu sais qu’il faut que ça s’arrête alors tu trouves l’interrupteur et tu appuies violemment dessus.
Ceci étant dit on ne peut pas non plus vanter la qualité de ton sommeil.
Elles ont beau ne pas être blanches, tes nuits à toi ne sont pas toutes noires non plus. A l’image d’un ciel d’hiver qui peine à choisir entre clarté et obscurité, elles sont d’un grisâtre un peu déprimant, mais tu t’y es habituée.
T’as arrêté de dormir du sommeil du juste quand t’avais 13 ans. Quand, pour la première fois, au détour d’un rêve un peu plus agité que les autres, tu t’es réveillée en pleine nuit et tu as constaté l’horreur. Sa présence là, au pied de ton lit, s’abreuvant des mots que tu couchais sur ton journal intime. Un sourire indescriptible sur les lèvres, les yeux vitreux, une main glissée dans le bas de son pyjama. L’horreur incarnée, matérialisée, palpable. Tu t’étais dépêchée de refermer les yeux, espérant qu’il n’ait pas eu le temps de s’apercevoir qu’ils avaient été ouverts pendant ces dernières secondes, serrant fort dans tes poings ta couette rose et bleue, dernière barrière, ultime protection contre ses assauts terrifiants. Tu avais presque arrêté de respirer, puis avais réalisé qu’au contraire il te fallait simuler une respiration profonde et régulière pour faire croire à l’endormissement serein.
C’est ce soir là que tu as appris à ne dormir que d’un œil, vigilante, méfiante, toujours en veille face à la possible approche du danger. Le sommeil qui, comme pour toute adolescente, t’était auparavant d’un réconfort absolu, était devenu lui aussi un espace où il te fallait rester sur tes gardes. Lui que tu retrouvais avant comme on retrouve le calme après la tempête était devenu le prolongement des souffrances endurées la journée. Tu ne pouvais plus t’y réfugier après avoir subi la monstruosité de ses doigts inquisiteurs puisque désormais tu savais qu’il te volait tes nuits tout autant que tes journées.
Depuis, tu ne dors plus vraiment. Tu tombes souvent d’avoir veillé trop tard, d’avoir attendu trop longtemps pour te blottir dans ton lit, et tu t’offres à ce moment là quelques heures de répit pendant lesquelles tu n’es jamais tout à fait sereine. Puis tu te réveilles en sursaut, on est quelque part au beau milieu de la nuit, et même si les décors ont changé, même si cette fois tu as choisi l’homme qui est à tes côtés, tu repars 15 ans en arrière, tu retrouves ta couette rose et bleue, tu la serres fort encore. Parfois tout cela est accompagné d’une petite goutte au coin de ton œil, que tu t’empresses d’essuyer avant qu’elle ne se transforme en torrent. Souvent ta respiration devient incontrôlable, elle s’accélère, se saccade, comme une vengeance pour toutes ces fois où tu as dû la rendre indécelable.
Tu n’as aucun autre choix que celui de sortir du lit, de la chambre, de l’obscurité. Tu allumes toutes les lumières sur ton passage, tu mets de la musique dans tes oreilles, tu avales des litres de caféine brûlante. Tes yeux auraient tellement envie de se fermer, ton corps de s’allonger, ton esprit de s’abandonner, mais c’est plus fort que toi, tu ne peux pas, tu ne veux pas retrouver l’état de vulnérabilité totale dans lequel tu te trouves quand tu es endormie. Plus jamais.
Autour de toi personne ne comprend que tu ne dormes que 4 heures par nuit. Que ta définition de la grasse matinée ne dépasse jamais 7 heures. On te prend pour un alien, on se moque de tes cernes, de tes nombreux « je suis fatiguée » que tu finis par arrêter de prononcer tant, en face, ils aiment à te renvoyer dans tes pénates quand tu oses te plaindre de tes nuits bien trop courtes. Si seulement ils comprenaient… Si seulement ils savaient…
Aujourd’hui tu pourrais t’accorder quelques heures de repos supplémentaires, les nuits ont été plus courtes que d’habitude, plus alcoolisées aussi. Et pourtant… Avec la régularité d’un métronome, tu bondis avant 6 heures et déclenches le rituel habituel. La lumière, le café, la musique.
Et puis vite te retrouver entourée, même virtuellement, de présences réconfortantes qui cacheront celle, aussi déroutante qu’imaginée là, maintenant, quinze ans après, aussi dégueulasse que fabriquée de toute pièce maintenant qu’il est à 10 000 kilomètres de toi, de celui qui aura décoloré chacune de tes nuits, à tout jamais.

 © Isa – janvier 2014

NB : ce qui vient avant est ici

mercredi 15 janvier 2014

...reconnectée...

Oui c'est vrai ça n'aura duré que 24 heures. Une toute petite journée.
Juste assez pour que quelques-uns remarquent la disparition que la plupart des autres n'auront même pas eu le temps de constater.

Juste assez pour comprendre que la solution n'était pas dans la coupure, ou alors peut-être que si, mais pas maintenant. Pas avant d'avoir fait le tour, d'avoir épuisé les sujets, d'avoir rencontré tout ceux qu'il y a à découvrir. Les possibles sont encore nombreux, l'horizon bien loin, je ne veux plus partir.

Juste assez aussi pour ressentir l'immense frustration de n'avoir nulle part où déposer les centaines de petits mots quotidiens qui veulent s'échapper de moi tout au long de la journée ; on ne s'en rend pas forcément compte quand on y est mais, une fois qu'on n'a plus à notre disposition cet espace d'expression, on s'aperçoit bien vite qu'on ne sait pas trop quoi faire de tout ce qu'on y laisse habituellement et qui, maintenant, pourrit notre intérieur faute d'endroit où s'extérioriser.

Juste assez pour choisir la nuance, fuir les extrêmes qui ont toujours été des valeurs-refuge pour tenter quelque chose de différent, de plus mesuré. Le manque qui arrive dès les premières minutes de sevrage force le constat : il ne sera pas possible de faire sans. Sans ceux qui ont pris de la place, au quotidien, et dont je veux continuer à partager l'aventure 2.0, encore, parce que ça m'a toujours plu. Et qu'il n'est pas forcément pertinent de m'en passer sous prétexte que d'autres, plus nuisibles, me donnent envie de fuir bien loin.

La nuance, donc. La nuance, c'est revenir, un peu la queue entre les jambes d'avoir clamé bien haut et bien tragiquement qu'il me fallait disparaître à tout prix, certes, mais revenir quand même. Et trier. Parcourir le compteur des abonnements et en retirer chaque personne avec qui aucun échange n'est possible et chaque personne dont il m'est impossible de lire les tweets sans avoir mal. Le masochisme, c'est pour les faibles, hein. Le masochisme, c'est toujours de la faute de celui qui en souffre, évidemment. Y a d'ailleurs un proverbe un peu comme ça, je ne pourrais pas le citer au mot près ni mentionner son auteur mais, l'idée, c'est quelque chose comme "tu me fais mal une fois, honte sur toi ; tu me fais mal deux fois, honte sur moi". Je me suis laissée avoir mal bien trop de fois déjà, je tombe du côté honteux de la force, il est temps d'en sortir, et vite. Ca passe donc par la douloureuse phase des adieux, de l'unfollow en masse. La conséquence directe et quasi-immédiate est que, parallèlement, mon compteur d'abonnés diminue également. C'est un chouïa agaçant, évidemment, mais j'ai envie d'te dire que d'une part, je pige bien le principe et je l'accepte et, d'autre part, c'est vraiment, vraiment, pas tellement ça l'important. Ceux qui comptent restent. Ceux que j'aime voir rebondir continuent à rebondir. Tout va bien.

Du coup, la revoilà, décidée à tenter une nouvelle expérience twittesque qu'elle espère à la fois identique et différente de la première. Elle se comprend. Tu comprends aussi, je pense. Toi qui me lis tu m'as toujours plutôt bien comprise...

Donc merci d'avance de me faire une petite place sur ta TL & à très vite, quelque part au détour de l'un de nos tweets.

© Isa - janvier 2014

mardi 14 janvier 2014

...déconnectée...

Tu ne sais pas trop combien de temps ça va durer. Tu aurais pensé ne tenir que quelques minutes et ça fait déjà quelques heures. L'avenir te dira si ça peut se compter en jours, même si tu n'y crois pas vraiment.
Mais qu'importe le temps qui va s'écouler pendant cette période de sevrage, c'est ta capacité à te déconnecter, ne serait-ce que quelques instants, que tu avais besoin de tester. Juste pour voir.
Tu savais déjà que ça avait pris de la place, beaucoup. Peut-être trop. Tu avais pris cette habitude si particulière de tout savoir retranscrire en moins de 140 caractères et cette autre de te savoir lue et suivie au quotidien par une poignée de fidèles.
Ta vie 2.0. se mesurait en FAV et en mentions, et tu appréciais tout particulièrement d'avoir toujours quelque chose à y lire. Même au coeur de la nuit il y traîne quelques rares oiseaux gazouilleurs, ce qui te permettait en deux ou trois clics de ne jamais vraiment être tout à fait seule.
Rassurante possibilité d'une échappée virtuelle te permettant d'oublier la solitude de l'IRL,  de passer le temps, de trouver l'intéraction.
Et au plus fort de la journée, la présence de ces quelques-uns qui ont pris une importance toute particulière, dont tu suivais les mots et les évolutions, comme une fenêtre constamment ouverte sur ton besoin de contacts, d'échanges.
Toutes ces habitudes construites jour après jour, tweet après tweet, le rituel du matin, les câlins avec certains, les politesses avec d'autres. Le tout dans une virtualité qui n'a pas grand chose à envier à la "vraie vie" parce que, tu l'as toujours senti comme ça et tu en es convaincue, tous et toutes derrière leurs pseudos respectifs n'en restent pas moins des êtres humains avec qui le partage est possible. Et c'est tout ce que tu voulais, tout ce que tu espérais quand tu t'étais inscrite. 
Et pourtant aujourd'hui tu es partie. Comme ça, sur un coup de tête, dans un claquement de doigts. Tu avais déjà envisagé cette possibilité avant mais n'en avais jamais ressenti aussi violemment le besoin.
Un besoin pas tout à fait explicable certes, bien que tu aies des raisons pour expliquer ce choix, tu sais bien qu'elles ne sont pas forcément bonnes. Mais elles sont tiennes, elles sont là, et tu n'as pas pu les ignorer. Alors tu as cliqué là où il fallait, et tu as disparu.
Tu as prévenu juste avant, pour ces quelques-uns qui avaient la possibilité de voir, en pensant quand même un peu à tous ceux qui n'étaient pas là pour lire tes au-revoir. En te demandant combien de temps il leur faudrait pour se rendre compte, et aussi un peu comment les retrouver ailleurs et autrement qu'ici. Tu sais bien que ce sont ces autres, et ton manque d'eux, qui te pousseront à revenir bientôt. Vous êtes trop proches, trop connectés, pour tout stopper définitivement. Quoique.
Tu te dis que ceux qui le veulent te retrouveront, et que pour les autres tant pis. Après tout, ton besoin d'eux, s'il n'est pas partagé, n'a aucune vraie bonne raison d'exister.
Tu sais bien aussi que tu écris ce billet comme une bouteille à la mer, comme pour leur demander sans vraiment le formaliser de ne pas tout à fait t'oublier et de, pourquoi pas, chercher à te retrouver.
Et puis surtout tu sais déjà que ton absence ne durera pas, tu es bien trop faible pour ça. Tu l'es bien pour tout le reste, tu l'es donc aussi forcément pour ça.

© Isa - janvier 2014
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NB pour Vivien : je suis là. Je reste là, disponible pour toi & moi. Si tu as besoin dis moi.

vendredi 10 janvier 2014

...contrainte à dire au revoir...

Tu t'en vas. Tu quittes tout. Tu quittes ces autres qui t'ont rendu différent, qui t'ont volé ton identité, t'ont forcé à toi même l'usurper, la modifier, la sacrifier. 
Pour en finir avec ça et recommencer avec toi, tu instaures d'abord le black-out total, plus de son, plus d'image, plus de mots, plus de photos, tu deviens invisible, inaudible, tu disparais.

En éveillant l'inquiétude de ceux que tu laisses dans cette réalité 2.0 que tu as bien longtemps partagée avec eux, sans un mot d'explication, sans un regard en arrière, sans lancer en l'air, comme tu le faisais parfois, une sorte d'"à bientôt" laconique qui nous faisait comprendre ton besoin de partir mais avec la certitude que tu nous reviendrais.

Là, rien. Rien d'autre qu'une absence aussi totale que brutale. Le noir, le vide, l'écho pour réponse.

Bien sûr il y avait eu quelques signes avant-coureurs. Tu parlais de t'être oublié, de ne plus te trouver, ta face B parlait parfois du goût amer que ta face A laissait dans ta bouche, et toutes ces idioties que tu te devais de balancer, et tous ces bons mots que tu te forçais à marteler, et toute cette course à la popularité qui fatiguait chacun de tes muscles. Tu avais besoin de te reposer.

Mais évidemment quand on ne veut pas voir, on ne voit pas. Alors j'ai pris ton départ comme une claque en pleine face, me réveillant durement d'une léthargie naïve, d'un espoir discret mais tenace que tu finirais par trouver ta place, là, pas loin, tout à côté, encore.

Les premières minutes je les ai passées à te chercher. Ici, là, partout. J'étais connectée à toi par le biais de tant de fils virtuels que je tirais sur chacun d'entre eux en espérant t'y retrouver au bout. Mais plus rien, nulle part. Les fils ont tous été coupés. 

Pendant la phase numéro deux j'ai mobilisé les réseaux. Ces autres qui te connaissent, savent-ils jusqu'où tu as erré, où tu as fini par échouer ? Le vide en retour. L'inquiétude en écho. L'absence de tout indice. 

Quelques heures d'hésitation et je me décide à activer le dernier lien, le seul IRL d'ailleurs. Un message. Qui reste sans réponse à ce jour. Ce fil là aussi, tu l'as coupé. Même pas arraché avec un bout qui pendouille comme un espoir de reconnexion ultérieure, non, tranché net, sans rien qui déborde, sans nouvelle attache possible. C'est l'impression qu'il me reste de ce lien rompu.

Et puis tu réapparais. Aux yeux de tes lecteurs fidèles par le biais d'un nouveau billet qui annonce la fin d'un chapitre, l'ouverture d'un nouveau volume. Tu fais table rase de tout ce qui était là avant et ma première réaction est de m'inquiéter fort, très fort, de ce que sont devenues les pépites dont tu nous avais enchanté les yeux jusque là. Aujourd'hui encore j'espère que tu en gardé des traces, que tu n'as pas tout jeté. De savoir qu'elles ont tout à fait disparu porterait l'estocade finale à l'amoureuse des mots en général, des tiens en particulier, que je suis depuis toujours. Depuis le premier jour, le premier texte, les premières lignes, depuis l'éclatement au grand jour de ta plume acerbe que j'avais déjà devinée. 
Tu réapparais aussi en privé. Quelques mots échangés. Ton "je ne t'ai plus à l’œil" qui me démunit. Je m'étais habituée à être couvée par ton regard. Reviennent avec tout ça ma peur panique de l'abandon, mon horreur pour les adieux, ma désillusion aussi. La certitude qu'un "nous", vrai, IRL, pouvait exister disparaît instantanément. Ton style et le mien, si proches dans ce qu'ils avaient de plus sombre, se répondaient souvent. Je nous pensais connectés et n'imaginais pas de fin. Naïveté, candeur, illusion.

Depuis, tu ponctues ton absence par quelques pointillés de mots que tu destines à tous. Tu t'étonnes que certains aient déserté, tu questionnes sur l'origine des réactions suscitées, "est-ce que c'est toi ?" demandes-tu. Ne me demande pas à moi de te fournir les réponses. Tu n'es plus là, alors je ne suis plus là.
Bien sûr en ce qui me concerne je t'ai toujours à l’œil, il ne saurait en être autrement, évidemment. Mais puisque aucun échange n'est possible, aucun retour n'est envisageable, je n'y laisserai plus désormais qu'un regard attentif lors de tes apparitions textuelles, et guère plus. Avec la pleine conscience que cela te suffira.

Je te souhaite de te trouver, de te réaliser. Si la distance aide, alors sois bien, là où tu es, loin là-bas.
Pour ma part, si tu me cherches, je suis quelque part dans le dernier paragraphe de cet article-là.

© Isa - janvier 2014

samedi 4 janvier 2014

...gnangnan...

Voir le visage de ma mère quelques minutes après mon réveil.
Participer à l'anniversaire de ma meilleure amie en confectionnant de mes petites mains quelques trucs pour la grosse soirée à venir.
Partager un café avec Sista à l'autre bout du fil.
Recevoir avec 3 jours d'avance ma nouvelle merveille de bijou téléphonique.
Quitter l'Ile-de-France pour aller taper la bise à mon cousin autour de la première galette des rois de l'année.
Dormir à l'aller et au retour, bercée par la vitesse et apaisée par la main de mon amoureux sur ma cuisse.
Me prélasser dans un bain brûlant, rempli de la mousse & des sels qu'il a soigneusement choisis pour moi en faisant les courses ce matin.
Humer en même temps les odeurs du repas qu'il prépare avec attention.
Puis y goûter et aimer ça.
Être là sur le canapé à côté de ma mère et l'entendre rire en regardant Florence Foresti.

Aucun manque, aucune frustration, aucune contrariété aujourd'hui.
Tu n'es pas habitué, hein ?
Moi non plus.

D'ailleurs la liste des petits bonheurs du jour est tellement longue que j'en viens même à penser qu'ils se sont gourés là-haut en me balançant d'un seul coup toute ma dose de l'année.

OK ne m'en donnez plus mais ne me demandez pas de rembourser hein.
J'ai déjà tout consommé. 

© Isa - janvier 2014

vendredi 3 janvier 2014

...déjà à l'heure de la désillusion quotidienne...

Elle a ses habitudes quotidiennes qui s'égrènent presque à heures fixes tout au long de la journée. Le rituel du réveil, c'est la caféine et la nicotine, à dose de cheval, comme pour s'injecter le mal dès le saut du lit. A un moment, plus tard, il y aura toutes ses autres manies, ces sites sur lesquels elle se connecte tous les jours, juste pour voir, ces personnes à qui elle enverra des messages, juste pour saluer, ces gestes qu'elle fera par réflexe, juste parce qu'il le faut. Et puis, sans qu'elle ne s'y attende, bien qu'elle sache maintenant que c'est inéluctable, sa petite dose journalière de désillusion.

Celle qui peut prendre n'importe quelle forme. Des sourcils qui se froncent de surprise ou de colère à la lecture d'une nouvelle qui lui coupe le souffle, des crampes partout dedans quand elle constate que quelqu'un qu'elle aime va mal, la tête qui lui tourne un peu quand elle est emportée par de vieux démons, les jambes qui tremblent quand ce qu'elle voit l'empêche de tenir debout bien droite. Il y a forcément un moment, dans chaque journée, où quelque chose, ou quelqu'un, provoquera en elle ce sentiment là, mélange de frustration, d'impuissance et de déception, le tout parfois enrobé d'une rage qu'elle tente tant bien que mal d'endiguer pour ne pas se laisser manger par elle.

Même si maintenant cela fait des années qu'elle sait qu'elle va y avoir droit à un moment ou à un autre, souvent les heures passent avec douceur sans qu'elle n'y pense vraiment, trop absorbée par les jolies choses qui les ponctuent parfois. Elle ne voit que le beau, que l'agréable, parce que c'est ça que la vie lui envoie, elle s'en empare, s'en entoure, sautille dans des petites flaques d'un bonheur dont elle finit par penser, naïvement, bêtement même, qu'il sera éternel, inaltérable. Et puis arrive la claque quotidienne, le bémol qu'on balance sur les notes qui se jouaient dans sa tête, le panneau STOP sur la belle ligne droite qu'elle parcourait à vive allure, l'appel de phares de la vie qui cherche à lui faire comprendre qu'elle n'a pas le droit de se prélasser dans un bonheur qui ne sera jamais tout à fait sien. Qui veut la réveiller, la sortir de son inconsciente insouciance, de sa léthargie bienheureuse, de son road trip sur les routes de la candeur. 

Tiens ma grande, prends toi ça en pleine tronche, et redescends maintenant, ta vie à toi elle est tout en bas, arrête de monter si haut avec tout ton espoir de bonheur à la con, avec tous tes rêves de légèreté et de normalité, avec toute ta naïveté de penser que toi aussi tu as le droit à ta part de gâteau, tu sais bien que t'es privée de ça, que t'es au régime depuis que t'es née, que les autres peuvent s'empiffrer tant qu'ils arrivent à absorber mais que toi tu dois te contenter des miettes qu'ils laissent sur le bord de leur assiette, repus de s'être si bien gavés du sucre et du miel et de tout ce qui est doux en bouche.
Tiens, toi là, bouffe plutôt de l'acide, de l'amer ou du rance, pique toi la langue et le cœur aux saveurs qui font grimacer, ne te réjouis jamais trop du morceau de chocolat qu'on dépose dans ta bouche, tu as juste le droit de le suçoter quelques secondes, pour en avoir un avant-goût magique qui te fera saliver, puis on te forcera à tout recracher avant d'avoir eu le temps d'avaler.
Tiens, grande inconsciente, mets-toi dans les oreilles cette musique qui te fait bouger, qui te donne envie de marcher avec conviction et assurance, laisse-toi envahir par elle comme si elle pouvait te porter, comme si elle pouvait te rythmer, et puis là quand tu ne t'y attendras pas, quand elle aura pris place sous chaque millimètre carré de ta peau faisant de celle-ci un endroit où il fait bon vivre, on coupera le son, on débranchera les écouteurs, ou alors on te balancera à 120 décibels une mélodie si sombre et si triste que tes jambes en vacilleront et que tu en tomberas.

Et puis parfois la vie est un peu plus gentille avec elle et ne lui laisse pas le temps d'imaginer le bonheur avant de lui injecter cette dose quotidienne de désillusion. Elle la lui livre dès le réveil, comme troisième ingrédient du petit-déjeuner habituellement cantonné au café et à la cigarette. Elle n'attend même pas que ses yeux soient tout à fait ouverts, son cerveau tout à fait allumé, ses sens tout à fait en alerte. Elle ne lui offre aucun répit matinal, aucun moment de bien-être trompeur, aucune illusion que la journée se déroulera sous un ciel sans encombre. 
Elle lui balance dès l'ouverture une belle dose de froncement de sourcils, de crampes partout dedans, de tête qui tourne et de jambes qui tremblent, bien avant qu'elle n'ose espérer ne pas vivre ça avant quelques heures.

Merci la vie de ne pas me laisser le temps de bêtement croire qu'aujourd'hui, pour une fois, tout va bien se passer. Tope là copine, t'assures un max quand tu me préserves de toute cette naïveté si souvent renouvelée.

© Isa – janvier 2014

jeudi 2 janvier 2014

...en 2014...

C'est l'heure du bilan, il paraît. Tout le monde le fait, c'est la grande mode. Le rendez-vous est annuel, institutionnalisé, il est temps de faire le point sur l'année écoulée et prendre quelques grandes décisions pour les mois à venir. Ou, au moins, définir la direction.

Tu ne sais pas trop si tu es à l'aise avec cette obligation rituelle. D'un côté, évidemment, ça te donne un prétexte tout trouvé pour coucher quelques mots, et écrire te devient si nécessaire que toutes les occasions sont bonnes à prendre. De l'autre, tu t'aperçois que l'introspection, les listes des trucs chouettes et moins chouettes, le choix du cap à tenir, c'est un peu ton lot quotidien depuis quelques mois. Tu ne vois pas bien la valeur ajoutée que tu pourrais y apporter aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit tu te lances, le contexte t'y invite, on est le 2 janvier et il est 5h30 de la nuit, le vent souffle fort dehors en un bruit étonnamment apaisant, presque poétique, et, pas loin, à quelques pas, chacune dans son lit, deux des personnes les plus importantes pour toi dorment à poings fermés. Il n'y a encore une fois que toi et tous les mots qui se bousculent à l'intérieur, et l'envie de les sortir qui te tenaille le ventre depuis déjà 24 heures.

2013 a été belle. 
Il y a eu cet étonnant bouleversement professionnel en fin d'année, les nouvelles casquettes que tu portes depuis peu. Une prise de responsabilités dans ton univers d'élue, une autre dans tes fonctions de gestionnaire. Une fin d'année marquée par la confiance accordée, inattendue, bienfaitrice.
Aujourd'hui tu en es à te demander si tu seras à la hauteur, si tu arriveras à gérer le double défi, si tu pourras être sur les deux fronts sans en négliger un. Il te faudra t'organiser différemment, anticiper, rassurer, multiplier les efforts pour qu'on te sente présente de tous les côtés. Le pari est immense, un peu effrayant, mais tu as tellement attendu qu'on te choisisse que, maintenant que c'est fait, tu en acceptes les conséquences et les assumeras quoi qu'il t'en coûte. Il le faut, tu le dois à ceux qui ont cru en toi, et tu te le dois à toi, te prouver que tu peux, que tu sais, que tu assures. Tu n'accepteras pas vraiment qu'il en soit autrement, tu ne t'en remettrais pas.
Il y a eu la naissance de ton blog, encore petit, encore balbutiant, encore un peu fragile dans son rapport aux autres, parce que tu en attends beaucoup, peut-être un peu trop. Mais il t'a apporté dans les moments de tempête une continuité dans ta liberté d'expression, il est là, territoire de tes mots, de tes douleurs, c'est ton empire, tu l'as bâti à la sueur de ton front, avec tes petites mains abîmées d'adulte pas tout à fait terminée, avec ton besoin de reconnaissance que les autres perçoivent dès les premières lignes qu'ils parcourent, parce qu'ici tu ne te caches pas derrière la carapace qui te caractérise dans la vraie vie, ici tu restes au plus près de tes émotions pour pouvoir les retranscrire fidèlement.
Aujourd'hui tu as compris que cet espace t'est nécessaire, vital, que même lorsque les mots ne font pas écho, même quand personne n'y répond, ils ont au moins toute la place d'être étalés, partagés, ils sortent de toi et c'est bon. Ici le défi est de maintenir le rythme, et la ligne aussi, d'apprendre de tout ce que tu écris, de t'appuyer dessus pour grandir et non plus pour ressasser. Un jour, tout ça sera thérapeutique. Ça l'est déjà un peu, mais c'est encore douloureux. Un jour, tout ça ne te sera que bénéfique.
Il y a eu ces moments si doux avec ceux que tu aimes, tout ce temps passé avec tes soeurs, la complicité, les rires, les câlins, la douceur. Rares pépites que la vie t'envoie parfois, tu sais maintenant à quel point il est précieux d'en profiter dès que possible, de t'en nourrir, de puiser ta force dans leurs sourires.
Aujourd'hui il est temps de partager ces mêmes moments avec ta mère, seules toutes les deux, l'occasion est trop belle de vous apprendre mutuellement, de constater comme vous avez grandi, comme vous avez vieilli, tellement loin l'une de l'autre mais avec tout cet amour qui efface les kilomètres. Tu as quelques jours hors du temps pour profiter d'elle, de ces cafés que vous buvez enfin ensemble, de son rire qui résonne dans ton appartement, étrange décalage avec ce qui se fait habituellement, quand le son de sa voix ne passe que par le téléphone. Elle est là, elle dort à quelques mètres de toi, et comme une enfant au matin de Noël, tu t'impatientes qu'elle se réveille pour lui dire des choses, toutes ces choses qu'elle devine parfois mais qu'elle ne sait pas vraiment, elle est le cadeau parfait pour te faire basculer d'une année à l'autre dans la sérénité.
Il y a eu quelques rencontres, marquantes, profondes. Ces liens qui se tissent sur une toile qui porte si bien son nom, ces liens un peu magiques, des destins qui se croisent dans un espace commun alors qu'ils ne se seraient peut-être jamais trouvés en dehors de cette réalité virtuelle. Des personnes qui sont là, font partie de ton univers, avec lesquelles tu as développé des rituels quasiment quotidiens, un mode de communication qui vous est propre.
Aujourd'hui tu sais bien qu'il te faudrait relativiser l'importance que tout cela prend, que tu devrais essayer d'intégrer dans ces échanges un peu de raison, un peu de sagesse, que tu ne peux pas gérer sur le long terme l'émotion qu'ils provoquent en toi. L'année écoulée a été le terrain fertile de ces liens aussi inattendus qu'espérés, celle qui arrive doit te permettre de prendre du recul, de relativiser, de laisser les gens à leur place, d'accepter leur liberté. Là encore c'est un défi gigantesque pour toi qui as tendance à naturellement t'accrocher, à aimer très fort dès lors que tu te laisses aimer, à étouffer ces autres qui ne sont pas en attente de cet amour, qui n'en sont pas au même point, qui ne le seront  jamais. Pour eux, mais pour toi aussi, pour ne pas souffrir, tu sais bien qu'il te faudra t'éloigner.

2013 a été dure.
Il y a eu ces attentes déçues, ces espoirs brisés, ces rêves confrontés à une toute autre réalité.
Il y a eu l'absence de ce frère qui ne veut plus de toi, et tout l'amour que tu lui portes dont tu n'arriveras jamais à te débarrasser, que tu ne pourras jamais donner à quelqu'un d'autre.
Il y a eu ces insomnies, tellement nombreuses, avec toute l'angoisse qu'elles charrient, avec tous les doutes qu'elles éveillent, avec toutes les questions qu'elles laissent sans réponse.
Il y a eu ces échecs, tous les petits et gros paris que tu avais faits sur la vie et que tu n'as pas remportés.
Il y a eu ces addictions qui te pourrissent le quotidien, dont tu ne te sépares pas, qui dorment là en toi et s'éveillent au moindre coup de vent, que tu ne sais pas toujours gérer, qui basculent parfois dans l'excès.
Il y a eu le morcellement de ton unité fragile, ta nécessaire scission interne pour réapparaître sous diverses identités qui peinent parfois à se confondre de nouveau.

Aujourd'hui un nouvel espace-temps annuel ouvre la voie à des changements, à des décisions, à des prises de risque peut-être, à des séparations, à des retrouvailles, à de l'amour, à de la compassion, à de la force, à l'acceptation des faiblesses, à l'acquisition de la sagesse et de la sérénité. 
Sauras-tu en profiter ?
Rendez-vous dans un an, pour un nouveau bilan. 
Et puis rendez-vous maintenant. La vie, c'est maintenant.

© Isa – janvier 2014