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vendredi 28 février 2014

2.0.

Tout n'est qu'habitudes et répétitions. 
Le tweet d'ouverture, toujours le même, quelques variations selon l'inspiration.
Le hashtag de clôture, toujours le même, mais seulement quand tu veux rendre visible ta disparition.
Entre les deux des "viens on..." et des "visualise-moi", lancés à tous, destinés à quelques-uns, parfois à l'un, parfois à l'autre, messages plus ou moins codés et plus ou moins reçus. 
Des trucs privés que tu balances en public en espérant que le monde sache.
Des trucs secrets que tu balances en caché en espérant que l'autre comprenne.

Et tu réfléchis à comment mentionner selon qui doit lire, qui doit voir, qui doit rebondir.
Et tu traques les liens pour aborder de façon détournée.
Et tu cherches les sens cachés, tu espères te reconnaître dans les mots de certains, dans les invitations des autres.

Et tu tentes de décoder, de démêler les fils, sait-on jamais, des fois qu'au bout y ait un arc-en-ciel quoi.

Et tu te poses des questions, que dire pour attirer, fédérer, rassembler, comment rester toi tout en étant multiple, objectif plaire à tous.
Que dire pour ne pas faire fuir ceux qui ne sont là que pour rire ? Comment ne pas trop en faire pour ne pas faire fuir ceux qui ne sont là que pour du vrai ?

Comment garder parmi ceux qui te lisent ces influents, ces gros comptes, qui un jour sont passés par là, ont vu de la lumière, se sont installés mais risquent à tout moment de s'en aller ?
Surtout comment faire pour t'en foutre complètement, de si ils restent ou si ils partent, après tout l'échange n'existe pas dans leur monde à eux, ou si peu, ou en tout cas jamais sur le fond, alors franchement à quoi bon ?

Comment te contenter de la qualité, soi-disant si chère à tes yeux, mais parfois clairement remisée au placard face à ton envie de popularité ?

Saleté de vie 2.0. Tu m'as changée, tu me rends autre, l'avatar ne me plaît pas, tu parles d'une mise à jour, ouais bien sûr, sacrément buguée hein. Twitter 2 - Isa 0.

Un jour c'est dans le ciel, le vrai, celui qui est là derrière ma fenêtre, que je chasserai l'oiseau bleu.
Ce jour-là peut-être que tu seras avec moi, toi là.

Visualise-moi, fébrile, n'attendant que ça.
Viens on s'en va.

© Isa – février 2014

jeudi 27 février 2014

Duel - L'approche

Approcher. Séduire. Consommer. Rejeter.

Tu as été bon dans la phase d'approche. T'as dû la répéter mille fois et tu sais parfaitement comment te faire discret tout en faisant avancer le pion. Lentement, à la limite du perceptible.

Je ne t'ai pas vu venir. Distraite par la vie, les emmerdes & les gens. Captive ailleurs. Retenue ailleurs. Concentrée ailleurs.

Tu en as profité pour planter le décor. Minimaliste, sommaire, efficace. Tu t'es concentré sur l'essentiel, le nécessaire, la base indispensable : la construction d'un pont entre nos deux forteresses. Tu as relevé les manches, tu as creusé, tu as bâti, tu as posé les briques une à une, consolidé les appuis, serré les boulons, créé les portes de part et d'autre. Je ne t'ai pas vu faire, je n'ai rien entendu, rien senti, ni les bruits du marteau qui cogne, ni les vibrations de la terre qu'on remue. Tu n'as eu ensuite qu'à te relever, qu'à essuyer les quelques gouttes de sueur qui perlaient à ton front, et à admirer le travail abattu presque sans effort et surtout sans que je ne me rende compte de rien. Cette fois, là, avec moi, tu t'es même permis de te fendre d'un sourire bourré d'auto-satisfaction, de fierté même. Tu as réussi là où on t'avait prédit que tu te casserais les dents, là où tant d'autres avaient échoué, là où certains t'avaient mis en garde contre le niveau de difficulté. Finalement, sans vraiment t'épuiser plus que d'habitude, tu as tissé la toile invisible, créé le lien, rendu la connexion possible et le passage à la phase deux - séduire, ta préférée - réalisable.

Moi, pendant ce temps-là, je nous donnais, à moi et à ceux qui m'observent, l'impression de vivre à 100 à l'heure. La trentaine sexy et épanouie, le job qui va bien, les talons qui claquent sur la grande route de la vie et j'emmerde un peu les fourmis écrasées au passage. Rythme effréné qui cumule l'hyper-activité de la journée et la surchauffe de la nuit. Jamais plus de cinq minutes au même endroit, jamais en place, et puis elle est où ma place, personne ne sait alors je cherche, je bouge, je me déplace, un jour peut-être que j'y serai et je le sentirai forcément à ce moment-là. 

Trop occupée tu vois, trop focalisée sur l'indispensable bougeotte qui m'a gagnée à l'aube de mes 13 ans, trop emportée dans le tourbillon de la vie, version Jeanne Moreau - Vanessa Paradis, pour remarquer que vous arrivez, tes gros sabots et toi, et que vous avez décidé que mon prénom serait le prochain à allonger la liste interminable de ceux accrochés à votre tableau de chasse.

Du coup, fatalement, il me faut gérer l'évidence alors qu'il est déjà trop tard pour y changer quoi que ce soit. Tu es là. Un peu troublée, un peu déséquilibrée, je ne peux qu'en faire le constat. Tu es là, tout près, trop près, tu t'es faufilé, puis immiscé, puis imposé, tu es là, je le sens bien, je le vois.

Tu es déjà engagé sur le pont flambant neuf, t'as fait plus de la moitié du chemin, tu avances en me fixant des yeux et ton assurance et ta belle petite gueule puent l'arrogance de l'aigle qui fond sur sa proie. Je te regarde marcher, j'ai arrêté de bouger, je sens se mélanger en moi la peur, l'envie de fuir, celle de rester, la parfaite conscience que je vais en baver, le désespoir de l'absence de porte de sortie, le "Dieu merci y a pas de porte de sortie". Je deviens paradoxes, je deviens incertitudes, je deviens frissons, je deviens envies, je deviens émois. 

Mais je me sens en vie et je me sens moi. 
Et il va me falloir au moins ça... pour lutter contre toi.

© Isa – février 2014

samedi 22 février 2014

...déglinguée...

Évidemment, Isa. Évidemment que tu n'y arrives plus, que c'est tout cassé et tout tordu.

Tu sais bien pourquoi d'ailleurs. C'est à cause d'eux. Encore. De ta peur de les décevoir. Encore.

Quand le petit dernier est sorti, tu n'y croyais pas vraiment. Ton style habituel... mais un sujet qui change. Un sujet qui n'est pas toi. Tu n'étais pas dans la maîtrise mais tu t'es appliquée. Pas eu besoin de grand chose d'ailleurs, c'est venu tout seul, comme d'habitude, sauf que là cette fois tu avais le regard extérieur de l'auteur qui parle enfin des autres. Ça t'a fait un peu peur, tu sais pas trop ce que tu vaux quand t'as ce regard là, mais t'as aligné tes mots, t'as même pas relu pour pas être tentée de tout effacer, t'as cliqué sur "publier" et t'as levé les yeux au ciel en une prière muette pour que ça résonne chez quelqu'un. Ne serait-ce que chez une seule personne, tu te disais. Ce serait déjà ça de gagné.

Et putain ça a marché. Décollage immédiat vers le succès inattendu. Des compliments de partout, des partages, des nouvelles personnes qui débarquent juste pour ça, pour t'encourager à continuer, t'en redemander, te motiver.

T'avais pas vraiment prévu ça. Bien sûr tu avais mis un "round 1" dans ton titre, et ça sous-entendait qu'il y en aurait d'autres. Tu l'avais vaguement imaginé en plusieurs parties, une sorte de saga, certains savent faire, pourquoi pas toi. Et voilà que eux aussi le voient comme ça, réclament une suite, une fois, deux fois, tu commences à t'y mettre et putain ça sort pas.

Évidemment, Isa. Évidemment que ça ne sort pas.

T'as tout essayé en une semaine. L'ambiance habituelle à base de Bon Jovi dans les oreilles. La concentration extrême en arrivant plus tôt au boulot pour avoir le temps de dégainer quelques mots. La technique du petit carnet où tu jettes des bouts de phrase dès qu'ils t'arrivent dans la tête. T'en as noirci des éditeurs de textes, pour les reblanchir illico quelques minutes après, tellement tout ce qui vient c'est de la merde.

T'es montée d'un cran la dernière fois, ils ont vu un truc nouveau et ils ont bien aimé ça. Paye ta difficulté à de nouveau atteindre la barre que t'as placé un peu trop haut. Paye ta frustration de ne pas trouver de quoi les contenter. Paye ton incapacité à vider le réservoir qui commence à déborder. Parce que tu le sais Isa, tu le sais bien quoi, si t'écris pas pendant plus de trois jours c'est tous les boulons de ta tête usée qui commencent à sauter. C'est tes nuits qui ne te reposent plus et tes journées remplies de mots qui se bousculent juste là au bout de tes doigts sans jamais vouloir être posés. C'est aussi et surtout la distance que tu mets avec les gens qui t'attendent, ceux qui veulent tes mots et ceux qui veulent que tu lises les leurs. C'est toi qui t'isoles, qui fais semblant, qui parles d'autre chose, qui fais diversion un peu même. Regardez par là-bas, tu leur dis en montrant du doigt. Mais ils ne sont pas cons, ils gardent les yeux fixés sur le doigt, ils savent que c'est par là que la délivrance arrivera.

Un jour peut-être Isa, un jour peut-être tu y arriveras. Tu pianoteras de nouveau, ça sortira tout seul, tu kickeras de nouveau et tu aimeras ça.

En attendant... bah #PlumeCassée tu vois.

© Isa – février 2014

dimanche 16 février 2014

Duel - Round 1

Approcher. Séduire. Consommer. Rejeter.

Le plan est le même, toujours. Quatre étapes. Quatre putain de marches à monter pour atteindre l'orgasme que seul le goût de la victoire dans ta bouche te procure. Incomparable jouissance que celle qui naît de la sensation d'avoir accompli la mission. Toujours la même.

Tu déroules ton plan d'action fort de toute ta confiance en toi, de ta certitude d'arriver à ton but, de ton extrême lucidité sur ton potentiel. Ton charme. Ton charisme. Ton sex appeal aussi. Tu sais tout ça, tu vis avec depuis des années, tu l'as développé, fait pousser, musclé, préservé des attaques du temps et des autres. Tu es fort et tu le sais.

Tu n'as pas besoin qu'on te le dise, tu sens ces choses-là.

Tu vois bien qu'une fois choisie, la proie ne peut plus t'échapper. Elle est tienne dès le moment où tu décides qu'elle le sera. Tu n'as plus qu'à la faire mûrir pour la cueillir au moment où elle sera parfaitement prête à être dégustée, pantelante, rougissante, tremblante, déjà addict à tout ce rêve que tu vends sans jamais rien promettre, sans jamais rien donner. Déjà mordue, subjuguée, le cœur en vrac, le cerveau retourné, les jambes et le souffle coupés.

C'est pile à ce moment-là que ton désir explose. Au moment où tu passes de la deuxième à la troisième marche, quand tu as séduit et que tu t'apprêtes à consommer. Ta puissance, à cet instant T, n'a plus aucune limite, plus aucun écrin dans lequel se cacher, elle gicle et projette autour de toi l'aura inaliénable et réservée à ceux qui accèdent au pouvoir. Tu gagnes... encore.

C'est aussi pile à ce moment-là que tout s'accélère. Il n'est plus question de faire traîner les choses en longueur maintenant. Parfois, la nana en face est assez délicieuse pour te faire flâner un peu sur l'étape de la consommation, mais jamais bien longtemps. La quatrième marche t'attend et tu t'empresses de sauter dessus. La vraie victoire est là. Dans la fin de l'histoire. Dans le rejet de cette autre qui aura voulu tout te donner, à qui tu auras tout pris, mais que tu ne voudras jamais garder au-delà de l'éphémère. 

Ce n'est pas elle que tu voulais. C'est le déroulé parfait. C'est le cercle infini. C'est la confirmation de ton pouvoir implacable. C'est l'explosion au moment du final. Elle est là ta came, il est là ton moteur. Reproduire, sans arrêt. Gagner, toujours.

C'est bien beau tout ça hein... Mais fais gaffe mon grand. 

Là, la nana d'en face, c'est moi.
Et je crois que t'avais pas bien prévu ça.

© Isa – février 2014

mardi 11 février 2014

...dans ma réalité virtuelle...

Tu dégaines ton jugement sur le ton choisi d'une lapalissade que je renierais parce que ça m'arrange bien. Viens on remet les pendules à l'heure, le compteur à zéro, et tu me laisses l'opportunité de tenter de faire naître l'infime possibilité que peut-être, un jour d'alignement céleste favorable, tu pourrais éviter de balancer tes skuds sans chercher à piger.

T'intéresser à moi, t'sais, c'est bien plus que lire ce que j'écris avec tes yeux à toi, y donner un sens avec ton cerveau à toi, recracher tes conclusions avec tes mots à toi. Je sais, c'est dur, se mettre à la place de l'autre, enfiler ses chaussures, regarder avec son prisme, interpréter avec son cadre de référence, reformuler avec un vocabulaire qu'il comprend, poser des questions avec une curiosité saine et sans attendre la réponse qui t'arrangerait le plus, c'est dur, ça demande un peu d'énergie et une sacrée dose de ce que les gens parfois aiment appeler "l'empathie". Ouais je t'assure ils en ont carrément pondu un mot exprès pour, qui veut dire tout juste ça, il fait trois syllabes je sais c'est beaucoup mais normalement passé le CM2 tu devrais être à l'aise avec la recherche dans le Larousse donc je ne me fais pas trop de souci pour toi. Au pire essaie sur Wikipédia.

Donc en fait le sujet du jour c'est que t'as cru que tu pouvais juger mon comportement online sous prétexte que, donc, Internet c'est pas la vraie vie.

Pour paraphraser mes copains d'ici, nan mais "LOL" quoi.

Attends que je te dise comment ça résonne dans mon intérieur à moi. Attends que je fasse défiler sous tes yeux toute l'émotion brute que me procurent certains échanges que jamais toi tu ne connaîtras. Attends un peu que je compare ce que tu vis dans "la vraie vie" avec la puissance 1000 que certains et certaines ajoutent à ce que je peux ressentir parfois par le biais de leur présence "virtuelle" que tu as du mal à appréhender parce que tu ne peux pas la toucher des doigts. Attends que je te montre les tweets, les mails, les textos, les appels, attends qu'on les ait décryptés ensemble. Attends un peu. Après tu vois.

Tu me vois comme une "nolife", donc. Évidemment tu ne connais pas ce mot mais c'est comme ça qu'on dit ici-bas, dans le merveilleux univers 2.0.

Tu crois que je ne connais pas l'amitié. Celle où on peut s'appeler à 2 heures du matin pour tout et n'importe quoi, parce qu'on a plus de tunes et qu'on arrive plus à en dormir, parce qu'on est fin bourré et qu'on ne peut pas reprendre le volant, parce qu'on est trop heureux et qu'on peut pas attendre demain pour partager, parce qu'on est trop mal et qu'on a besoin de pleurer. Détrompe-toi mon grand, je connais ça. J'ai ça. J'ai de merveilleux amis qui ont été là, qui sont là, qui seront là. Quoi qu'il arrive, où que j'aille, qui que je devienne. Ils sont là. T'inquiète pas pour moi, j'ai. Et je remercie le ciel et tout ce qui va avec chaque jour d'avoir cette chance là.

Tu crois que je ne connais pas la famille. Celle où on sent presque tout le trajet que le sang fait chez l'autre tellement qu'on partage le même. Celle où à 10000 bornes on sent la peur et la joie et la peine et l'amour parce que c'est une évidence, parce que c'est gravé dans la roche. Retire ça tout de suite de tes pensées, hein, je vis sans ma famille depuis avant même que je sois en âge de glisser un bulletin dans une putain d'urne et mon sang je le connais, je sais d'où il vient, je sais pourquoi il coule et je sais qui me l'a fabriqué exactement comme il est là. Tu peux pas test gros, mes soeurs et ma mère sont à l'autre bout de la planète, mon frère a déserté ma vie parce qu'il a jugé préférable de vivre la sienne sans moi dedans, mon père a disparu du monde à l'aube de mon adolescence et tu crois vraiment que tu as des trucs à m'apprendre sur l'importance de tout ça ? Ouvre les yeux mon gars.

Tu crois que je ne connais pas l'amour ? Celui qui te décolle les pieds du sol, celui qui alterne les phases où ton bide est tellement serré que tu voudrais en crever et les phases où y a tellement de papillons dedans que tu ne vis que pour ressentir ça, celui qui te fait oublier qui tu es, où tu vas, comment tu t'appelles, combien tu peux donner ? Ah ouais tu crois que moi, là, je ne connais pas ça ? Moi la nana qui a appris l'amour avant même d'apprendre à compter, je schématise tu vois bien mais n'oublie pas le vécu que la meuf en face elle a, hein, n'oublie pas le parcours, les sacrifices, les folies, les fugues. N'oublie pas que la passion a été inventée pour elle et si t'en es pas encore convaincu, au lieu de juger, demande lui de te raconter l'ivresse, la fougue, le désir, les innombrables conneries passées et futures, le don inconditionnel, la peau qui frémit, les jambes qui vacillent. Vas-y mets-toi dans son corps ne serait-ce qu'un quart de journée, subis les assauts d'envie qui se déchaînent à l'intérieur, affronte le mélange explosif de tout ce qui se passe en elle. Après ça on en reparle.

Je sais tout ça. Je connais, j'ai ma part, ne t'inquiète donc pas pour moi.

Envie-moi plutôt. Jalouse-moi même. Parce qu'en plus de tout ça, j'ai plein d'autres trucs encore.

J'ai leurs mots le matin quand je me réveille et que j'ai peur d'aller vivre la journée qui m'attend. J'ai leur présence à tout instant quand je n'arrive plus à dormir. J'ai leurs réactions à chacun des billets que je poste ici, leurs partages, leurs félicitations, leurs confidences parfois. J'ai les codes que nous seuls connaissons parce que nous faisons partie du même monde, nos punchlines, nos running gags, nos hashtags et nos habitudes. Tu connais pas ça, toi. J'ai leurs bonnes ondes quand je leur dis "pense à moi à 11h" et qu'à 10h58 je reçois les premières images de trèfles à 4 feuilles. J'ai leurs blagues qui me font hurler de rire aussi silencieusement que possible parce qu'autour de moi on ne comprendrait pas. J'ai leurs commentaires à la con les soirs de programmes télé populaires, que ça me plaise ou pas. J'ai leur avis sur tout et n'importe quoi, j'ai leur pensée unique sur certains artistes ou certains événements et ce que ça éveille d'esprit critique en moi. Je ne suis jamais vraiment seule, tu vois. C'est peut-être du fake pour toi tout ça, mais chez moi ça comble un manque qui était quand même bien présent jusque là. Rien que pour ça déjà, je te laisserai pas le droit de juger l'immatérialité de la chose.

Et puis certains d'entre eux, quoi. Ceux qui sont rares et précieux et que j'aurais envie d'enfermer pour les garder juste pour moi. Ceux qui m'ont pigée en trois millièmes de secondes et qui me parlent comme s'ils étaient en face de moi. Ceux qui trouvent les mots quand, dans ce que t'appelles "la vraie vie", personne ne les a. Ceux qui cherchent à savoir et qui, quand ils savent, guérissent. Ou tentent, au moins. Proposent. Acceptent. Pardonnent. Comprennent. T'as réussi à trouver ça, toi ?

Nan, t'as pas, hein ?
Alors occupe-toi déjà de trouver une came aussi puissante que celle-là et d'ici là, garde tes conclusions douteuses pour toi.

© Isa – février 2014

lundi 10 février 2014

...limitée...

T’as toujours eu besoin de dire. Partager, expier, te libérer. Beaucoup pensent que c’est une bonne chose d’ailleurs. Que tu as raison d’oser parler. Que c’est comme ça qu’on avance, comme ça qu’on évacue les rancœurs. Qu’on donne la possibilité de réparer quand c’est cassé ou de panser quand c’est douloureux.
Du coup, puisque t’as toujours été plutôt encouragée à le faire, tu le fais. Tu sors de toi les mots, les maux, l’émotion.
Evidemment, tu le fais ici, dans ton petit espace à mi-chemin entre le jardin secret et la place publique. Voit qui veut, lit qui a envie, commente qui en a quelque chose à dire, tu n’imposes rien, tu poses seulement, et ce qui se passe après ne dépend déjà plus de toi.
Parfois, ça provoque quelques réactions. Parfois, ça laisse indifférent. C’est le jeu ma pauv’ Lucette, c’est pile ou face, t’es habituée à ça et ça te va. La vidange est faite, ceux qui comptent ont regardé le flot sortir, ceux pour qui tu comptes essaient de poser un garrot ou, au pire, épongent le sol, et c’est déjà ça.

Et puis parfois… Une crise, une envie, quelque chose de l’ordre de l’incontrôlable te pousse à ne plus parler à tous mais à tout balancer à un. Pourtant tu le sais, qu’il ne le faudrait pas, que tu n’es pas douée pour les face-à-face.

Parce qu’il est rare, très rare, que ça ressemble à un dîner aux chandelles. Quand tu as le temps, tu montes le décor, dresses la table, allumes les bougies parfumées. C’est intime, chaleureux, ça sent bon, le vin repose dans sa carafe à décanter, tu portes une jolie robe et tes yeux sont maquillés. C’est tout beau, t’es toute belle, tout autour n’est que sérénité et invitation à la confidence. Du coup, quand ton invité arrive, t’es en confiance, t’as plus qu’à l’installer, à l’enivrer un peu, et les mots coulent entre vous naturellement, sans forcer, sans heurter. Ils sont tout enrobés d’un mélange très justement dosé de saveurs diverses qui ont toutes un rôle à jouer : de l’amer pour évoquer les regrets, de l’acide pour parler des conflits, du sucré pour décrire les plaisirs. Ton message passe, il est clair, il est juste, tu l’as préparé avec tellement de délicatesse qu’il ne peut être que correctement reçu. Tu dis et c’est entendu.

Mais il y a surtout ces fois, bien plus nombreuses, où tu n’es pas en mesure de prendre le temps. Même si tu le voulais, tu ne le pourrais pas. L’urgence de dire est bien trop forte, bien trop là, et rien d’autre ne compte plus à ce moment-là que d’extraire de ton dedans tout ce que l’autre en face doit intégrer en lui. Le décor est bien moins propice, tu le choppes entre deux portes, tu le déranges dans son quotidien faits de galères de tunes et de couches à changer et de réunions tardives et de cafetière en panne. Il est là, fébrile, ailleurs, fatigué, et tu joues avec ta mitraillette à mots, tu dégaines, tu tires sans viser, en rafale, il titube, tombe, et même s’il est à terre tu continues parce que tu n’arrives plus à t’arrêter. Tu as tellement hurlé tes mots que tu les as même presque vomis, c’est sale et ça pue et tu as mal partout, le bide, la gorge, la bouche, et l’autre en face il a mal pareil, pire encore, et vous voilà bien beaux tous les deux, bien avancés aussi d’ailleurs, à n’être que douleur et épuisement. Tu ressors de la pièce par la toute petite porte, tes larmes redoublent au moment où tu comprends que bien plus que la culpabilité, ce que tu ressens au fond c’est quand même le soulagement. Tu as dit et même si le message n’est pas passé, tu as dit et c’est tout ce qui comptait. Evidemment deux jours après tu réalises que tout ça n’a servi à rien, que c’était vain et stérile, que l’autre en face est encore tout assommé et n’a toujours pas pigé ce que tu as tenté de dire, mais cette fois-ci tu es de nouveau assez lucide pour comprendre que c’est toi qui n’as pas vraiment su parler. Et qu’il te faut tout recommencer. Autrement, mieux, version dîner aux chandelles plutôt. Plus efficace, t’sais. Mais avant ça il te faudra digérer.

Voilà, vis avec ta difficulté permanente à communiquer, à rassurer, à exprimer sans accuser, à cajoler avec des mots, à faire du bien, à mettre des pansements sur des plaies. Vis avec ta façon de parler agressive, brutale, sans douceur, sans baume. Vis avec ton visage fermé, dur, sans sourire, sans expression amicale. Vis avec tes bras qui pendent alors qu’il faudrait câliner, vis avec tes mains qui se crispent alors qu’il faudrait caresser, vis avec ta voix qui beugle alors qu’il faudrait susurrer. Vis avec tes limites et tes barrières et tes doutes à la con et tes peurs imbéciles d’être trop guimauve – ce qui t’empêche de ne l’être qu’un peu, comme il faudrait, comme c’est bon pour l’autre. Vis avec ton mal de bide constant à force de décevoir et de ne pas savoir rectifier, vis avec tes incapacités et tes impossibilités et toutes les excuses que ton cerveau arrivera toujours à trouver pour sans cesse te dédouaner. Vis avec ta pudeur qui t’éloigne, avec tes mécanismes de défense qui t’isolent, avec tes réflexes de fuite et de tacle dans les tibias pour ne pas que l’autre puisse te rattraper. Vis avec ça mais arrête de te plaindre ma grande, ça commence à nous saouler.

© Isa – février 2014

lundi 3 février 2014

...à la veille de demain...

Il ira peut-être comme un taureau entre dans l'arène, inconscient de ce qui l'attend. Forcément fier et fort. Dopé, puissant.
Il ira peut-être comme un petit garcon qui foule le sol d'une nouvelle école, tremblant un peu, serrant fort la main de sa maman. Forcément craintif. Apeuré et innocent.
Il ira peut-être comme un Italien aborde une femme dans la rue. Forcément souriant. Séducteur, confiant. 
Il ira peut-être comme un soldat va à la guerre. Forcément déjà en mal de son chez lui, mais prêt à affronter l'ennemi. Armé, conquérant.
Il ira peut-être comme un ado à son premier rencart. Forcément timide, maladroit aussi. Empressé, impatient.
Il ira peut-être comme un junkie va chercher sa came. Forcément dans la quête de quelque chose qui calmera l'angoisse. Prêt à tout, inconscient.
Il ira peut-être comme on est mené au bagne. Forcément dépassé par ce qui se passe autour. Perdu, subissant.
Il ira peut-être comme on va au charbon. Forcément préparé à mouiller la chemise. Résolu, affrontant.
Il ira peut-être comme ses héros qu'il fait monter sur le ring. Forcément entraîné à terrasser l'adversaire. Vainqueur, impressionnant.

Mais il n'ira pas seul. Car forcément entouré de ceux qui s'en inquiètent, de ceux qui s'en soucient. De près, de loin, partout, tout le temps, demain, et déjà maintenant.

© Isa – février 2014

...collectionneuse d'habitudes...

Les habitudes ont la vie dure pour les nanas comme moi. Je m’accoutume d’un rien, trois fois d’affilée et ça y est c’est ancré et gravé dans la roche, trois fois d’affilée et je m’imagine que ce sera toujours le cas, tous les jours, à vie.
Faut dire aussi qu’en parfaite cumularde des addictions, j’ai une tendance naturelle, un penchant incontrôlable, pour la collectionnite aigüe, pas tant des choses et des objets puisque Mâdâme n’est pas du genre matérielle, mais surtout des petits rituels impliquant l’Autre avec un grand A parce que je ne parle pas de quelqu’un en particulier mais de tout un chacun. Du coup oui tu as raison d’avoir peur que peut-être je parle de toi, puisque forcément quelque part je parle de toi.

Je suis donc la fille qui va chouiner si, après 3 matins où tu seras venu vers elle pour lui demander comment s’est passée ta soirée de la veille, tu l’ignores superbement au matin du 4ème jour. Tu auras pourtant une bonne raison de le faire hein, ce ne sera sûrement pas lié à elle d’ailleurs, mais elle va de suite crier à l’abandon. Direct. Sans même te laisser la moindre chance.

Je suis donc la fille qui va hurler à la MECHANCETAY gratuite si, ce midi, tu ne lui amènes pas le verre d’eau que tu lui as toujours amené. Si tu descends fumer une cigarette avec quelqu’un d’autre qu’elle. Si tu ne lui proposes pas l’habituel café du matin, si tu ne réponds plus à ses messages alors que vous avez toujours tellement échangé, si tu oublies de la complimenter sur sa nouvelle coupe de cheveux alors que tu l’as toujours systématiquement fait.

Je suis la fille qui, dès qu’elle peut, se rend accro au moindre signe d’attention que tu voudras bien lui accorder et pleurera toutes les larmes de son corps au moindre signal de diminution de l’intensité. Et après les larmes la parano – « bon bah voilà, il/elle ne m’aime plus, je le savais hein que ça ne pouvait pas durer » - et après la parano la colère – « d’façon c’est qu’un connard/une connasse » - et après la colère le déni suprême – « j’m’en fous moi non plus je l’aimais pas » - et enfin après le déni le faux mépris de derrière les fagots – « en même temps il/elle ne me mérite pas du tout du tout hein ».

Evidemment toi en face tu vas pas bien piger, parce que merde t’étais juste occupé à sortir le chien – faire faire les devoirs à ton gamin – récurer tes chiottes – dîner avec ta mère – faire l’amour à ta femme – bosser sur un dossier méga important – t’isoler un peu pour te retrouver avec toi-même ou peut-être tout ça à la fois. T’avais juste pas le temps, pas la disponibilité de t’occuper de Mâdâme, c’est pas que tu l’aimes plus mais bon t’as une vie aussi, et puis merde elle est chiante elle aussi à criser dès lors que tu ne t’affoles pas pour elle tous les quarts de seconde quoi. (Du coup note que toi aussi tu traverses plusieurs phases, ça démarre par l’incrédulité pour échouer sur la colère et entre les deux tu t’interroges sur ce que t’as mal fait et moi je me délecte de te voir culpabiliser parce que bon ton absence d’attention m’en a bien fait baver alors tu mérites de cogiter un peu dans d'atroces souffrances).

Bref, tout ça pour te dire à toi là, te cache pas c’est à toi que je cause, pas la peine de baisser les yeux tu sais bien que je vais te relever la tête pour que tu m’écoutes avec toute ton attention et puis que tu comprennes bien, tout ça pour te dire donc, fais gaffe à pas trop être là, fais gaffe à pas laisser s’installer de rituels, fais gaffe à pas te montrer présent quotidiennement… Fais gaffe bien fort parce qu’en face t’as une nana accro à tout ça pour qui tu vas vite devenir indispensable et ce serait ballot, hein, tu crois pas ? Parce que toi qui deviens indispensable, c’est moi qui aies peur de l’abandon toutes les 36 secondes, et ça fatigue un peu, beaucoup même. Ca use quoi. Et puis en plus le jour où t’auras pas le temps, on devient quoi ? Moi une furie, toi la cible de ma colère. Et on a pas envie de devenir ça, non non non on a pas du tout du tout envie de devenir ça, ni toi, ni moi.

© Isa – février 2014

dimanche 2 février 2014

...au 32ème jour de l'an 14...

T'as déjà souri ce matin. Dès les premières minutes qui ont suivi ton réveil. C'est rare, ça te change, c'est assez sympa en fait. Inhabituel.

Bon du coup ça nique un peu la verve que tu veux mettre dans ton billet du jour. 

T'étais tombée du lit en te disant que t'allais leur pondre un truc bien mordant sur ta jalousie dévorante & l'absence totale de second degré en ce moment. T'allais leur parler de comment tu surveilles les compteurs et de l'impact que ça a sur toi quand ça dégringole. T'allais t'offusquer de ceux avec qui t'as eu quelques rares contacts plutôt sympathiques, mais qui décident quand même que tu ne mérites plus d'apparaître dans leur TL, même si c'était qu'une fois tous les 36 du mois puisqu'ils suivent 1500 personnes. T'énerver en hurlant "1500 quoi ! et y a pas une toute petite place pour moi !?!". T'allais venir poser là ton incompréhension totale face à l'importance que tu donnes à la chose virtuelle, toi qui as toujours été friande de chair et de contacts physiques et de cafés en terrasse et de mains sur la cuisse et des yeux dans les yeux. T'allais crier que tu ne t'es pas vue changer, pas vue devenir cette autre qui ne mise plus que sur des chiffres et une pseudo course à la popularité et que tu serais prête à donner beaucoup si en échange on te faisait redevenir comme avant. Comme quand tu aimais les gens et non pas leur rang sur une liste de followers. Comme quand Internet ne te servait qu'à communiquer avec eux pendant leur absence ou la tienne. Comme quand ta vie sociale c'était encore prendre la main de ton meilleur ami pour te balader avec lui. Comme quand ton ordinateur était un outil de travail ou de distraction et non pas une boîte dans laquelle sont rangés des "amis". T'allais dégainer des mots forts sur celle que tu as perdue en route, ton moi profond, la substantifique moelle de ta petite personne, celle qui est faite pour les bisous et les câlins et qui parle avec sa bouche et pas qu'avec ses doigts qui s'affolent sur un clavier. T'allais dire d'elle qu'elle te manque, que c'est une connasse d'être partie sans prévenir, sans un regard en arrière, en te laissant là seule avec tous tes nouveaux automatismes 2.0 sans lesquels tu n'arrives plus bien à dérouler une seule putain de journée. T'allais aussi cracher sur celle que t'es devenue depuis que l'autre s'est barrée, cette étrange personne qui "surveille ses ratios", "efface ses mentions", "up ses propres tweets" et j'en passe. Cette meuf là, que tu reconnais pas bien quand tu la croises dans le miroir, parce que ses yeux sont rougis par le manque de sa nouvelle came, Internet, les rézosocio de mes deux, les @ et les #, les vannes sur Zaz & Marc Levy. Mdr - lol - ptdr d'ailleurs hein : tu ne te souviens que vaguement de cette époque où tu l'encensais toi, Marc Levy. Bah ouais, t'as trop honte maintenant, s'ils le savaient, sur Twitter, que t'as chez toi ses dix premiers bouquins et que tu les as toujours achetés le jour même de leur sortie. Vas-y cache toi de ça et ne leur dis jamais, ils ne comprendraient pas, t'as pas le droit, tu peux pas, déjà que t'as l'impression que parfois tu ne fais pas partie du game alors ne provoque pas, hein, tais-toi. T'allais venir là et balancer en version brute tout ce que ça t'apporte, cette nouvelle façon de vivre ta vie, et puis tout ce que ça te retire aussi, et puis chialer en 3000 signes sur le déséquilibre des deux colonnes et la balance qui penche pas du bon côté. T'allais raconter comme t'es jalouse du succès des uns, putain c'est pas beau la jalousie hein Isa, avoue que ça te laisse un goût immonde dans la bouche de baver autant, avoue le que t'aimes pas ça d'être aussi fébrile face à ta propre impopularité mais encore plus face à la réussite de ces autres qui, en plus, pour certains, ne la méritent même pas quoi. Tiens, c'est bien une remarque de nana jalouse, ça. Haha.

Voilà ce que t'allais venir déverser comme bile ce matin, tôt, et leur balancer à la tronche quand ils daigneraient se réveiller.

Mais alors que tu t'apprêtais à le faire, à jeter les mots bien sentis qui te brûlaient les doigts... tu l'as croisé. Il a dit quelques mots, pas beaucoup, comme à son habitude. Il t'a mis du léger en tête, il t'a rappelé que parfois t'étais aussi une fille un peu fun et il a dit qu'il aimait bien ça. Et comme il est l'un des rares à te piger quand t'es pas dans un bon jour, t'apprécies d'autant plus quand lui il remarque que tu n'es pas que ça. Il a capté tes douleurs, il te l'a souvent prouvé. Mais il voit aussi au-delà, les phases où t'es bien, et il en rigole avec toi.

Du coup, ce matin, tu n'as pas que craché.
Tu as souri, aussi. Si tôt, déjà.

© Isa – février 2014